Catégories
veille informationnelle

Le climato-scepticisme #5

Climato-scepticisme

Discussion entre le glaciologue Claude Lorius et le sociologue Alain Gras sur l’anthropocène

Tout part d’un tweet…

Le 3 janvier dernier, un tweet fait débat. Il s’agit de celui de “SILVANO” partageant une “étude” montrant “qu’il n’a AUCUN lien entre la teneur en CO2 et les changements de températures.” A ce jour, le tweet a plus de 53 000 vues et plus de 1400 personnes l’ont retweeté. Dans sa biographie Twitter, Silvano Troota ne fait figurer aucune information sur son statut professionnel. En revanche, le site Conspiracy Watch (spécialisé dans la dénonciation des théories conspirationnistes, antisémites et négationnistes) le présente comme créateur d’une société spécialisée en télécommunication dans les milieux hospitaliers et dans l’hôtellerie. Il serait également “vidéaste conspirationniste” selon le site. Il se serait fait connaître à l’issue de la mouvance covido-sceptique.  

 

En ce qui concerne l’étude qu’il promeut dans son tweet, le titre engage directement le ton du récit : “Alors que le climat a toujours changé et changera toujours, il n’y a pas de crise climatique”. L’auteur de ce texte est Wallace Manheimer, il le publie le 8 septembre 2022. Lorsque nous cherchons sur Internet son nom, nous tombons en premier sur le site CO2 Coalition qui est selon Wikipédia un think tank conservateur (groupe de réflexion réunissant des experts et soumettant des idées aux pouvoirs publics ou aux grandes entreprises) ayant comme statut juridique, l’association. Son but serait de promouvoir une utilisation accrue du dioxyde de carbone en partant du principe qu’il a un effet positif sur l’environnement, en aidant les plantes à pousser. Sur ce site, Wallace Manheimer est présenté comme “membre à vie de l’American Physical Society et de l’Institute of Electrical and Electronic Engineers.” Cet homme serait alors le seul auteur de cette étude, or généralement, plusieurs spécialistes s’engagent dans l’écriture des études scientifiques. Si nous observons les références inscrites à la fin du document, nous remarquons qu’il y a peu d’études scientifiques, le reste semble s’appuyer sur des éléments non conventionnels. Nous pouvons également voir qu’il y a une page Wikipédia dans les sources, ce qui ne représente pas un site fiable lorsqu’il s’agit d’une démarche scientifique. Au-delà de cela, Wallace Manheimer se cite lui-même en incluant cinq de ses articles dans les références.

Selon l’AFP, cette “étude” comme citée dans le tweet, serait en fait un article d’opinion puisque les sources de ce texte ne sont pas rigoureuses. Effectivement, les références rassemblent tout un tas “d’arguments climato-sceptiques anciens”. De plus, l’auteur n’ajoute pas de nouvelles données scientifiques d’après des climatologues interrogés par l’AFP. 

Maintenant, si nous portons notre attention sur le contenu “scientifique” de l’étude, l’auteur parle de “forçage radiatif lié au dioxyde de carbone” s’élevant à “0,3% du rayonnement”, ce qui selon lui est infime et que celui-ci n’affecte donc pas le changement climatique. Or, nous ne trouvons pas d’explication à ce chiffre dans son article, il n’expose pas la manière dont il a trouvé ce résultat.  

Le chercheur au Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement François-Marie Bréon éclaire le sujet en supposant que le calcul de Wallace Manheimer s’est fait en divisant le flux solaire qui arrive au sommet de l’atmosphère (s’élevant à 1370 Watt par mètre carré) par 3 (puisque 30% de ce flux est réfléchie par les nuages, l’atmosphère et les surfaces). Selon le chercheur, c’est une erreur d’effectuer ce calcul car cela reviendrait à considérer que le rayonnement solaire parvient uniformément sur toute la surface terrestre, ce n’est en revanche pas le cas. 

 

L’anthropocène : une nouvelle époque géologique

Ce qu’omettent les climato-sceptiques, c’est qu’une nouvelle époque géologique s’est installée. En 2000, le biologiste américain Eugene F. Stoermer et le chimiste néerlandais Paul Josef Crutzen utilisent le terme d’”Anthropocène” pour la première fois. Il s’agit d’une période (actuelle) où les activités humaines ont de fortes répercussions sur les écosystèmes de la planète et les transforment à tous les niveaux.” selon le Larousse. Le déclencheur principal de cette nouvelle phase serait dû à la révolution industrielle du XIXème siècle. Dans une vidéo Youtube de la chaîne “Le Blob”, le glaciologue Claude Lorius explique que le CO2 émit en grande quantité par l’activité humaine dans l’atmosphère se voit dans les glaces. En effet, la composition de l’atmosphère s’accumule dans la glace et les glaciologues ont pu découvrir que le CO2 en fait grandement partie.

 

Une conclusion sur les débats scientifiques…

Ce que nous pouvons retenir de ces réflexions, c’est que malgré le statut scientifique d’une personne, la science n’est pas toujours bien appliquée. Cela s’expliquerait par le fait que la science se surpasse et se développe, comme le dit le site Community, et que parfois, “la science se contredit simplement parce que, en découvrant plus sur un phénomène, on comprend que ce qu’on savait hier était erroné ou incomplet. Au-delà de cela, les discours scientifiques des climato-sceptiques étaient avant tout des prises de positions politiques puisque l’impact de l’homme est toujours au cœur des débats (cf article 1 avec les scientifiques Richard Lindzen et Ivar Giaever ainsi que l’article 4 avec le non scientifique Yves Roucaute). En effet, ces personnes écrivent leur récit avec l’ambition de retirer la faute de l’activité humaine sur le réchauffement climatique. En ce sens, ces discours relèvent surtout d’une opinion politique. À côté de cela, si les articles comme ceux de Wallace Manheimer relevant des calculs non expliqués et apparemment erronés, nous pouvons remettre en cause les discours climato-sceptiques.  

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *