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Veille informationnelle

4ème article de veille

Le rôle des syndicats de police

Image © JULIEN DANIEL / MYOP

Pour ce 4ème et avant-dernier article de veille, je vais évoquer le rôle et l’influence des syndicats de police dans ces affaires de tirs mortels. Je ne pourrai pas aborder la situation dans la gendarmerie, s’agissant d’une institution militaire soumise à des règles bien plus strictes et ne disposant pas des mêmes droits.

C’est un documentaire de « Complément d’enquête » diffusé le 01 décembre 2022 sur France 2 qui m’a donné matière à réflexion. « Police : quand les syndicats font la loi » de Julien Daguerre, Hugo Puffeney, Vincent Piffeteau et Vincent Buchy fait le tour de la question syndicale dans la police nationale. Disponible ici : https://www.france.tv/france-2/complement-d-enquete/4321339-police-quand-les-syndicats-font-la-loi.html

Le corporatisme suprême

On y apprend que 70% des policiers sont adhérents : c’est la profession la plus syndiquée de la fonction publique. Les syndicats y sont décrits comme « surpuissants » tenant même tête aux différents ministres de l’Intérieur.

Dans une article du Figaro Vox daté du 13 décembre (https://www.lefigaro.fr/vox/societe/le-syndicalisme-dans-la-police-est-plus-fort-que-jamais-20221213), on peut lire que les élections professionnelles pour 2023 ont mobilisé 82% des inscrits sur 141 739 agents appelés à voter. Dans cet article et dans le documentaire, la même phrase revient : le corporatisme dans la police est sans commune mesure. Le syndicat qui a particulièrement triomphé cette année, c’est Alliance Police. Très à droite, son secrétaire général Fabien Vanhemelryck détonne. La désormais célèbre formule « Le problème de la police, c’est la justice ! », c’est lui qui l’a prononcée. Il n’hésite pas à dire face caméra que des policiers condamnés par la justice pour avoir tabassé un mineur « ont leur place dans la police ».

Défense en toutes circonstances

Dans un tel contexte, on se doute que ces syndicats jouent un rôle actif dans la défense de leurs collègues poursuivis en justice, notamment les auteurs de tirs mortels, cas le plus emblématique (et objet de ma veille).

Dans ce papier de la République des Pyrénées (https://www.larepubliquedespyrenees.fr/pyrenees-atlantiques/pays-basque/refus-d-obtemperer-les-policiers-formes-aux-bons-gestes-a-bayonne-12912732.php), on peut lire que le préfet des Pyrénées Atlantiques a organisé le 8 novembre dernier « une formation aux bons gestes » pour les policiers qui feraient face à des refus d’obtempérer d’automobilistes. Une formation pour minimiser les risques et « assurer leur sécurité et celles des usagers de la route » qui n’a pas du tout plu au syndicat Alliance. Il a aussitôt exprimé sa colère sur Twitter :

© Capture d’écran Twitter

Leur communiqué qualifie la formation de « discrédit public » assorti d’un « message choquant ». Ce syndicat préfère-il tout simplement l’ouverture du feu (comme c’est régulièrement le cas) plutôt que la formation à d’autres types de pratiques qui préservent la vie ?

En tout cas, dans le discours et les tracts d’Alliance est souvent revendiquée l’instauration d’une « présomption de légitime défense » pour les policiers. (Une proposition soutenue et portée par l’extrême droite, en savoir plus : https://www.liberation.fr/societe/police-justice/la-presomption-de-legitime-defense-pour-les-policiers-vieille-rengaine-des-le-pen-20220416_AWQVTQUNRBGSLEO2CC7MJQ6DEU/)

En avril dernier à Paris, un policier ouvrait le feu à l’arme automatique sur un véhicule, foudroyant les deux hommes à bord. Il a été mis en examen pour homicide volontaire. Seulement les syndicats ont immédiatement appelé à manifester en soutien de leur collègue et ont contesté la qualification judiciaire de meurtre, peut-on lire dans ce papier de Franceinfo : https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/police/tirs-mortels-sur-le-pont-neuf-a-paris-des-rassemblements-de-syndicats-de-police-prevus-contre-la-mise-en-examen-du-policier_5114290.html

Encore une fois, c’est le syndicat Alliance qui est à l’origine de cet appel et dénonce une « décision inadmissible » des juges (rappelant leur rengaine « Le problème de la police, c’est la justice »).

« Les policiers ont crié : “Arrêtez vous ” ! Puis ils ont vidé leurs chargeurs »

Inès, passagère d’un véhicule qui a refusé d’obtempérer

Autre drame, en date du 4 juin 2022 : Rayana, 21 ans, était ce jour là passagère d’un véhicule dont le conducteur a refusé d’obtempérer aux sommations policières. Inès, assise à l’arrière, a survécu. Elle témoigne dans Complément d’enquête : « Les policiers ont crié : “Arrêtez vous ” ! Puis ils ont vidé leurs chargeurs ». 10 coups de feu ont été tirés sur la voiture en plein Paris. Une balle a atteint Rayana en pleine tête.

Immédiatement après, les syndicats ont défilé sur les plateaux télé. Complément d’enquête révèle qu’ils sont intervenus 13 fois dans la même journée sur BFMTV, pour livrer la même version : « la loi est de notre côté ».

Cette loi, c’est celle de 2017, dont on parle depuis de début de cette veille opérationnelle. On apprend dans le documentaire que ce sont les syndicats qui ont poussé pour faire évoluer la législation sur l’usage des armes cette année là. Jean Claude Delage, secrétaire général d’Alliance à cette époque, avoue avoir fait du lobbying auprès des hommes politiques pour « faire passer des choses dans un contexte [celui des attentats] qui, peut-être, dans un autre contexte, ne seraient pas passées. »

Voilà un aperçu de la puissance des syndicats dans la police. Ils sont des acteurs de première importance pour mon sujet de veille.

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