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5ème article de veille

Le travail des journalistes Police Justice

Le 4 juin 2022 à Paris, la passagère d’un véhicule avait été tuée. Photo © Pauline Darvey / Le Parisien

Pour ce dernier article de veille, un coup d’œil sur ma liste Twitter m’a rappelé le travail du journaliste David Dufresne, spécialiste des questions liées à la police. Sur le site du média indépendant #AuPoste qu’il a fondé, on y trouve une rubrique « Police » dans laquelle sont régulièrement invités des spécialistes pour débattre de la question. Une manne d’informations précieuse pour ma veille. Le 16 décembre dernier, David Dufresne était en live Twitch avec Nadia Sweeny, journaliste Police et Justice à Politis, média également indépendant. Disponible ici : https://www.auposte.fr/violences-policieres-en-hausse-poursuites-en-baisse/.

Ensemble, ils ont abordé une exclusivité publiée quelques jours plus tard sur le site de Politis (disponible : https://www.politis.fr/articles/2022/12/exclu-politis-sous-macron-plus-de-policiers-mis-en-cause-mais-moins-condamnes/).

Au cours du live, Nadia Sweeny apprend aux viewers avoir réussi à obtenir des chiffres inédits du ministère de la Justice, plus particulièrement ceux concernant l’infraction de « violences volontaires par personnes dépositaires de l’autorité publique (PDAP) ». Et à elle de préciser : « en gros, c’est le terme juridique pour définir les violences policières ».

Des conclusions qui interpellent

De son enquête basée sur les chiffres officiels pour la période 2016 — 2021, elle a tiré les conclusions suivantes :

  • Entre les années 2016 et 2021, on observe une hausse de 57% de PDAP mises en cause pour violences volontaires (loi assouplissant le cadre de l’usage des armes à feu pour la police en 2017, ndlr).
  • En 2020/2021, seulement 8% des PDAP mises en cause ont finalement été condamnées par la justice.
  • En 2021, 14 PDAP ont été condamnées à de la prison ferme (ou en partie ferme) pour 103 condamnations sur 836 mises en cause au total.
  • En 2021, les PDAP ont été 2,5 fois moins condamnées à de la prison ferme que la population générale.  
  • Les PDAP autrices de violences volontaires sont proportionnellement moins poursuivies et moins condamnées que la population générale.

La partie « peines de prison » a été abordée dans cet autre article de Nadia Sweeny : https://www.politis.fr/articles/2022/12/exclu-politis-violences-policieres-en-10-ans-une-baisse-des-peines-de-prison-ferme/

Sentiment d’impunité ?

Ce constat factuel participe-il à l’installation d’un sentiment d’impunité chez les forces de l’ordre ? Toujours est-il que l’année 2022 a été marquée par le décès de 12 personnes, qui ont toutes succombé aux balles de la police nationale. En effet, au cours de cette année, la gendarmerie nationale n’a tué personne dans le cadre d’un refus d’obtempérer.

Une liste exhaustive de tous ces drames a été réalisée par Le Monde, à la fin de ce papier qui relate le dernier des douze faits de l’année survenu le 14 octobre à Paris : https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/10/14/un-homme-tue-par-un-tir-de-policier-apres-un-refus-d-obtemperer-a-paris_6145885_3224.html

Reconstitution 3D, manifestation de la vérité ?

Autre spécialiste de ces questions, Maxime Sirvins est journaliste et travaille aussi à Politis. Le 4 octobre dernier, en collaboration avec Index, il dévoile un papier intitulé : « Tirs de la BAC à Stains : la version policière démontée par une reconstitution en 3D » https://www.politis.fr/articles/2022/10/tirs-de-la-bac-a-stains-la-version-policiere-demontee-par-une-reconstitution-en-3d-44885/

Capture d’écran YouTube © Index

Reconstitution 3D basée sur les éléments de l’enquête à l’appui, le journaliste analyse : aucun policier n’a été percuté, contrairement à leur version. Pour rappel, le 16 août 2021 à Stains (Seine-Saint-Denis), trois policiers de la brigade anti-criminalité, sans brassard ni gyrophare ouvraient le feu à 8 reprises sur un véhicule. Le conducteur a été sérieusement touché mais a survécu à ses blessures. Le véhicule n’ayant aucun policier sur sa trajectoire pouvant justifier des tirs, la reconstitution d’Index dément de son côté toute légitimation de l’ouverture du feu.

Cette nouvelle méthode d’investigation journalistique pourrait tenir un rôle clé à l’avenir, si l’on considère la multiplication de ces affaires et l’éclairage que peut permettre une reconstitution 3D.

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4ème article de veille

Le rôle des syndicats de police

Image © JULIEN DANIEL / MYOP

Pour ce 4ème et avant-dernier article de veille, je vais évoquer le rôle et l’influence des syndicats de police dans ces affaires de tirs mortels. Je ne pourrai pas aborder la situation dans la gendarmerie, s’agissant d’une institution militaire soumise à des règles bien plus strictes et ne disposant pas des mêmes droits.

C’est un documentaire de « Complément d’enquête » diffusé le 01 décembre 2022 sur France 2 qui m’a donné matière à réflexion. « Police : quand les syndicats font la loi » de Julien Daguerre, Hugo Puffeney, Vincent Piffeteau et Vincent Buchy fait le tour de la question syndicale dans la police nationale. Disponible ici : https://www.france.tv/france-2/complement-d-enquete/4321339-police-quand-les-syndicats-font-la-loi.html

Le corporatisme suprême

On y apprend que 70% des policiers sont adhérents : c’est la profession la plus syndiquée de la fonction publique. Les syndicats y sont décrits comme « surpuissants » tenant même tête aux différents ministres de l’Intérieur.

Dans une article du Figaro Vox daté du 13 décembre (https://www.lefigaro.fr/vox/societe/le-syndicalisme-dans-la-police-est-plus-fort-que-jamais-20221213), on peut lire que les élections professionnelles pour 2023 ont mobilisé 82% des inscrits sur 141 739 agents appelés à voter. Dans cet article et dans le documentaire, la même phrase revient : le corporatisme dans la police est sans commune mesure. Le syndicat qui a particulièrement triomphé cette année, c’est Alliance Police. Très à droite, son secrétaire général Fabien Vanhemelryck détonne. La désormais célèbre formule « Le problème de la police, c’est la justice ! », c’est lui qui l’a prononcée. Il n’hésite pas à dire face caméra que des policiers condamnés par la justice pour avoir tabassé un mineur « ont leur place dans la police ».

Défense en toutes circonstances

Dans un tel contexte, on se doute que ces syndicats jouent un rôle actif dans la défense de leurs collègues poursuivis en justice, notamment les auteurs de tirs mortels, cas le plus emblématique (et objet de ma veille).

Dans ce papier de la République des Pyrénées (https://www.larepubliquedespyrenees.fr/pyrenees-atlantiques/pays-basque/refus-d-obtemperer-les-policiers-formes-aux-bons-gestes-a-bayonne-12912732.php), on peut lire que le préfet des Pyrénées Atlantiques a organisé le 8 novembre dernier « une formation aux bons gestes » pour les policiers qui feraient face à des refus d’obtempérer d’automobilistes. Une formation pour minimiser les risques et « assurer leur sécurité et celles des usagers de la route » qui n’a pas du tout plu au syndicat Alliance. Il a aussitôt exprimé sa colère sur Twitter :

© Capture d’écran Twitter

Leur communiqué qualifie la formation de « discrédit public » assorti d’un « message choquant ». Ce syndicat préfère-il tout simplement l’ouverture du feu (comme c’est régulièrement le cas) plutôt que la formation à d’autres types de pratiques qui préservent la vie ?

En tout cas, dans le discours et les tracts d’Alliance est souvent revendiquée l’instauration d’une « présomption de légitime défense » pour les policiers. (Une proposition soutenue et portée par l’extrême droite, en savoir plus : https://www.liberation.fr/societe/police-justice/la-presomption-de-legitime-defense-pour-les-policiers-vieille-rengaine-des-le-pen-20220416_AWQVTQUNRBGSLEO2CC7MJQ6DEU/)

En avril dernier à Paris, un policier ouvrait le feu à l’arme automatique sur un véhicule, foudroyant les deux hommes à bord. Il a été mis en examen pour homicide volontaire. Seulement les syndicats ont immédiatement appelé à manifester en soutien de leur collègue et ont contesté la qualification judiciaire de meurtre, peut-on lire dans ce papier de Franceinfo : https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/police/tirs-mortels-sur-le-pont-neuf-a-paris-des-rassemblements-de-syndicats-de-police-prevus-contre-la-mise-en-examen-du-policier_5114290.html

Encore une fois, c’est le syndicat Alliance qui est à l’origine de cet appel et dénonce une « décision inadmissible » des juges (rappelant leur rengaine « Le problème de la police, c’est la justice »).

« Les policiers ont crié : “Arrêtez vous ” ! Puis ils ont vidé leurs chargeurs »

Inès, passagère d’un véhicule qui a refusé d’obtempérer

Autre drame, en date du 4 juin 2022 : Rayana, 21 ans, était ce jour là passagère d’un véhicule dont le conducteur a refusé d’obtempérer aux sommations policières. Inès, assise à l’arrière, a survécu. Elle témoigne dans Complément d’enquête : « Les policiers ont crié : “Arrêtez vous ” ! Puis ils ont vidé leurs chargeurs ». 10 coups de feu ont été tirés sur la voiture en plein Paris. Une balle a atteint Rayana en pleine tête.

Immédiatement après, les syndicats ont défilé sur les plateaux télé. Complément d’enquête révèle qu’ils sont intervenus 13 fois dans la même journée sur BFMTV, pour livrer la même version : « la loi est de notre côté ».

Cette loi, c’est celle de 2017, dont on parle depuis de début de cette veille opérationnelle. On apprend dans le documentaire que ce sont les syndicats qui ont poussé pour faire évoluer la législation sur l’usage des armes cette année là. Jean Claude Delage, secrétaire général d’Alliance à cette époque, avoue avoir fait du lobbying auprès des hommes politiques pour « faire passer des choses dans un contexte [celui des attentats] qui, peut-être, dans un autre contexte, ne seraient pas passées. »

Voilà un aperçu de la puissance des syndicats dans la police. Ils sont des acteurs de première importance pour mon sujet de veille.

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3ème article de veille

Le point de vue policier

Image d’illustration © Tribunaldunet

Après avoir présenté mon sujet de veille, l’usage des armes à feu par les forces de l’ordre en France j’ai, dans un second article, traité la réaction des avocats dans ces affaires.

Il serait maintenant intéressant de s’attarder sur la vision des principaux concernés. Ceux derrière l’arme, qui prennent la décision (ou non) de tirer : il faut écouter les déclarations des policiers et gendarmes pour y voir plus clair.

Comment se prend une telle décision ?

Dans cet article du 05 novembre 2022, Mohamed Bouhafsi a recueilli pour RTL le témoignage d’un policier qui a « dû faire usage de son arme » lors d’un « refus d’obtempérer » : https://www.rtl.fr/actu/justice-faits-divers/refus-d-obtemperer-un-policier-raconte-une-intervention-ou-il-a-du-faire-usage-de-son-arme-7900202429

Une intervention qui rentre donc parfaitement dans mon sujet de veille. Évoquant un « conducteur [qui] a décidé de les percuter de manière totalement volontaire », le policier poursuit : « À ce moment là, le véhicule […] ré-accélère en percutant du côté passager mon collègue, ce qui occasionne un tir de ma part». Comment réagit-il à cela ? Il explique dans l’article que « ça va tellement vite que l’action de tir, c’est de l’instinct de survie. Il faut tirer. Si on ne tire pas, il va y avoir des blessés de notre côté, voire des morts » : un instinct, donc. Premier témoignage intéressant qui met en lumière le processus quasi-mécanique de tir.

Comment réagissent-ils a posteriori ?

Dans cet article du Parisien du 25 octobre (https://www.leparisien.fr/faits-divers/je-regrette-terriblement-ce-qua-declare-en-garde-a-vue-le-policier-auteur-du-tir-mortel-a-paris-25-10-2022-5NQIDCO5WJHKXHBZ5OCTWF6O2E.php?ts=1666709824636) on obtient les déclarations du policier qui a tué un homme, aussi au volant de sa voiture le 14 octobre dernier à Paris. La « légitime défense pas retenue » a entrainé la « mise en examen » du tireur, peut-on lire dans l’article. Ce dernier déclare lors de sa garde à vue, au lendemain du drame : « Je regrette terriblement ». Un collègue qui l’accompagnait, mais n’a pas tiré sur le conducteur affirme lui : « Je me suis vu mourir. Je n’ai pas voulu tuer l’homme en face pour autant » et insiste « pas question de tirer sur un homme ».

Quand les policiers de Twitter s’en mêlent : d’indéfectibles soutiens

S’il y a bien un « flic » qui, dans n’importe quelles circonstances, va apporter son entier soutien à ses collègues, c’est Abdoulaye Kanté, figure médiatique de la police aux 55 000 abonnés Twitter.

Le 2 octobre, il répondait d’ailleurs au chercheur Sébastian Roché, que j’avais cité dans mon premier article.

© Capture d’écran Twitter

Abdoulaye Kanté conseille au sociologue de « prendre le problème dans l’autre sens avant d’indexer à chaque fois les policiers ». Mettant toujours en avant le « refus d’obtempérer » à chaque nouvelle affaire, il semble avoir trouvé la justification imparable à ces tirs mortels.

Autre figure emblématique sur les réseaux sociaux, c’est Matthieu Valet, un commissaire de police bien connu des plateaux de chaînes d’information en continu. Le 5 octobre sur Twitter, il appelait les policiers à « neutraliser le criminel » avant de leur apporter son « soutien total » :

© Capture d’écran Twitter

En définitive, nous avons vu que les réactions des policiers sont contrastées car la question du tir est complexe. Si dans certains cas, ils ne semblent pas avoir de problèmes de conscience, dans d’autres, le regret peut intervenir. Dans tous les cas, ils peuvent compter sur la communauté policière qui officie sur les réseaux sociaux pour les soutenir.

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2ème article de veille

Les réactions des avocats

Image d’illustration © Brochard Avocat

Poursuivant ma veille informationnelle sur l’usage des armes à feu par les forces de l’ordre en France, j’ai pu observer un élément qui revient souvent dans le traitement médiatique de ces affaires. Ce sont les réactions des avocats, qu’il s’agisse de ceux des victimes, ou ceux des policiers ou gendarmes.

Les avocats des victimes

Pour illustrer mon propos, j’ai tout d’abord repéré cette interview issue du Live Toussaint, une émission de BFMTV, qui donne la parole à Maître Ian Knafou, avocat pénaliste au barreau de Paris. La vidéo est disponible au lien suivant : https://www.bfmtv.com/police-justice/refus-d-obtemperer-le-risque-de-ne-pas-s-arreter-ne-peut-pas-etre-la-mort-selon-l-avocat-de-la-famille-d-amine_VN-202210280302.html

« Le risque de ne pas s’arrêter ne peut pas être la mort »

Ian Knafou, avocat parisien

Maître Knafou représente la famille d’Amine, un jeune homme tué par balles au volant de sa voiture, alors qu’il refusait d’obtempérer à une sommation de s’arrêter, le vendredi 14 octobre 2022 à Paris. L’avocat insiste sur le fait que « le risque de ne pas s’arrêter ne peut pas être la mort » et estime qu’« à aucun moment il ne faut avoir cette musique en tête ».

Le même jour, l’avocat Vincent Brengarth, du barreau de Paris également, réalisait pour le média indépendant BLAST, le souffle de l’info une vidéo intitulée « Refus d’obtempérer, un permis de tuer pour les policiers ? ». Disponible sur Youtube au lien suivant : https://www.youtube.com/watch?v=X5fV0OL57Ls

Dans ce podcast, Maître Brengarth met lui aussi en cause la loi de février 2017 assouplissant les conditions de l’usage des armes pour la police, qu’il corrèle avec l’augmentation observée des tirs (comme l’avait fait Sebastian Roché, chercheur CNRS dont j’avais parlé dans mon précédent article de veille). Aussi, l’avocat déplore les risques de dommages collatéraux, très importants lors de tirs en pleine ville.

Il illustre notamment son argument en prenant l’exemple de la balle perdue qui s’est logée dans un bus de la RATP, le 21 septembre dernier à Saint-Denis (plus de détails dans cet article du Parisien https://www.leparisien.fr/seine-saint-denis-93/cest-un-truc-de-fou-a-saint-denis-le-chauffeur-du-bus-touche-par-le-tir-dun-policier-en-colere-02-11-2022-KKHXSM4RDFDL5CTDKHQJJRTWKM.php)

Voilà deux exemples de réactions d’avocats qui défendent les victimes de ces tirs.

Les avocats des forces de l’ordre

À l’inverse, il y a aussi des avocats qui, dans les médias et sur les réseaux sociaux, portent la voix des forces de l’ordre incriminées, qui les défendent et les accompagnent dans les poursuites judiciaires.

À l’image de Maître Laurent-Franck Liénard, « l’arme fatale de la police » titrait Le Monde dans cet article du 21 juin 2022 (https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2022/06/21/jamais-de-ripoux-je-ne-defends-pas-les-crapules-me-laurent-franck-lienard-l-arme-fatale-de-la-police_6131352_4500055.html)

Le pénaliste, qui défend notamment un policier auteur d’un homicide sur un conducteur à Nice le 7 septembre dernier, appelait le 19 septembre sur BFM Côte-d’Azur à la rationalité et déplorait le manque de formation des policiers (https://www.bfmtv.com/cote-d-azur/replay-emissions/bonjour-cote-d-azur/conducteur-tue-a-nice-le-policier-etait-il-assez-forme_VN-202209190091.html)

Autre figure rangée du côté des forces de sécurité, c’est Me Thibault de Montbrial qui s’est fait connaître pour ses positions bien tranchées en faveur de l’autorité. Il est d’ailleurs l’avocat du policier mis en examen dans l’affaire « Amine » abordée en début d’article. Dans ce papier du Parisien daté du 16 octobre, il explique que son client « a cru qu’il allait mourir, il est très éprouvé » (https://www.leparisien.fr/faits-divers/refus-dobtemperer-mortel-a-paris-garde-a-vue-prolongee-pour-deux-policiers-16-10-2022-ULAMSEVXHBHZXLWGWCOYYAFPOM.php)

En conclusion, j’ai identifié des acteurs clés autour de mon sujet. Ce sont les avocats, peu importe les positions qu’ils défendent vis-à-vis de ces tirs. Il est intéressant de voir que ce sont souvent les mêmes, et que certains se sont ouvertement spécialisés dans le domaine. À ce titre, il s’agit de sources pertinentes pour ma veille.

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1er article de veille

Refus d’obtempérer & tirs policiers : quelques chiffres

Image d’illustration © Le petit bleu d’Agen

Ancien gendarme adjoint volontaire désormais étudiant en journalisme, voilà quelques jours que je mène une veille informationnelle sur l’usage des armes à feu par la police ou la gendarmerie en France. Pour angler davantage le sujet, j’ai décidé de m’intéresser aux tirs mortels sur les conducteurs de véhicules.

Force est de constater que nombreux sont les évènements de ce type qui alimentent mon flux de veille. Depuis le début de l’année 2022 en France, nous recensons déjà 12 décès qualifiés d’« homicides policiers » sur des automobilistes (la question n’est pour le moment pas de savoir si ces homicides sont légitimes ou non, mais d’établir un décompte mortuaire factuel).

J’ai pour cela d’abord constitué une liste Twitter, où j’ai rassemblé des acteurs différents de par leur nature, mais tous apportant une contribution à ma veille. Il s’agit de journalistes, mais aussi de chercheurs spécialisés sur ces questions, d’avocats, de syndicalistes policiers et d’associations de victimes. La liste totalise 28 membres à l’heure de la rédaction de cet article.

Par ailleurs j’ai créé un système de veille grâce à Inoreader, avec des alertes Google sur les mots clés « tirs policiers » et « refus d’obtempérer » pour m’assurer un suivi des articles de presse traitant du sujet.

Un chercheur spécialisé pour nous éclairer

Pour ce premier article de veille, la ressource la plus pertinente que j’ai pu trouver sont les travaux du chercheur CNRS Sébastian Roché (https://sebastianroche.wordpress.com/). Il contribue notamment à la rédaction d’articles pour des médias tels que Mediapart ou la revue Esprit. J’ai été intéressé par un article paru sur cette dernière. Disponible au lien suivant : https://esprit.presse.fr/actualites/sebastian-roche-et-paul-le-derff-et-simon-varaine/homicides-policiers-et-refus-d-obtemperer-44252

Dans cet article intitulé « Homicides policiers et refus d’obtempérer, La loi a-t-elle rendu les policiers irresponsables ? », le chercheur tend à démontrer le lien entre la loi de 2017 (naissance de l’article 435-1 du CSI) assouplissant les règles de l’usage des armes sur les véhicules en mouvement pour les forces de police, et le phénomène d’accentuation de la fréquence des « homicides policiers » sur les conducteurs en situation de refus d’obtempérer.

Selon ses travaux, il y a un lien statistique flagrant entre ces deux faits : « nous avons vérifié que les tirs mortels sur les occupants des véhicules en mouvement étaient plus fréquents après la réforme de février 2017 (0.32 décès par mois à l’issue d’un tir sur un véhicule, contre 0.06 avant la réforme), tout en nous assurant que ce n’était pas le cas des autres tirs policiers mortels (0.52 décès après la loi, contre 0.59 avant) ».

Par la suite il remet en cause l’argument de l’augmentation des refus d’obtempérer qui expliquerait l’augmentation des tirs. « Il y a bien une élévation des refus d’obtempérer enregistrés. Entre 2012 et 2016, le nombre moyen de refus graves d’obtempérer était d’environ 2 800, contre 3 800 en moyenne chaque année depuis 2017, soit une multiplication par 1.35. Néanmoins, il ne semble pas que cette augmentation puisse à elle seule expliquer la multiplication par 5 du nombre de tirs mortels sur véhicules en mouvement enregistrée entre les deux périodes. »

Sébastian Roché met donc en cause les évolutions législatives de février 2017 dans ce phénomène de multiplication des ouvertures du feu mortelles. La dernière datant du vendredi 14 octobre qui a coûté la vie à un homme au volant de sa voiture, illustrant le propos.

Ma veille m’a permis de trouver d’autres articles venant conforter les arguments énoncés précédemment, notamment ce papier de Libération (https://www.liberation.fr/societe/police-justice/refus-dobtemperer-derriere-laugmentation-des-tirs-mortels-des-policiers-20221012_567QHNIVARGJ5ENPBHLC7KGIJM/) qui met lui aussi en cause la loi de 2017 et nous donne à lire une autre information chiffrée pertinente pour notre sujet : « depuis 2017, les tirs contre des véhicules ont augmenté de 40 %, d’après les déclarations des agents à l’IGPN ».